Bill Cosby et Roman Polanski radiés de l’Académie des Oscars : la grande hypocrisie !

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Hollywood lave plus blanc ! Enfin, moins blanc que Bill Cosby, radié de l’Académie des Oscars, ou qu’un Roman Polanski ayant conjointement connu semblable infortune. Le premier n’est pas très connu en nos contrées et, si comparaison n’est certes pas raison, on dira qu’il est une sorte de Yannick Noah local ayant fait carrière à la télévision plutôt que sur les courts de tennis.

Son "Cosby Show" ? Une institution. Il y joue le mari aimant et le modèle pour sa communauté. Le Noir comme il faut. D’humeur égale et pas porté plus que ça sur la revendication. Raisonnablement conservateur, tout en professant un progressisme raisonné, il est le parfait produit de synthèse : un nouvel Oncle Tom, objectaient certains, tel le cinéaste Spike Lee, figure de proue de l’actuelle communauté afro-américaine, mais en version plus turbulente. Aujourd’hui, William Cosby risque trente ans de prison. Lorsque l’on en affiche quatre-vingts au compteur, ce n’est pas rien, même pour un prédateur sexuel présumé.

Roman Polanski, lui, on ne le présente plus, et les affaires de mœurs lui collant à la peau non plus. Pourtant, il ne sera pas inutile de rappeler que sa victime, Samantha Geimer, treize ans à l’époque des faits, en 1971 - soit il y a désormais plus de quarante ans -, a depuis lors pardonné et abandonné toute idée de vengeance.

Pour autant, elle n’hésitait pas, en 2013, à remettre les événements dans leur contexte d’époque, face aux journalistes de L’Obs : "J’étais présentée comme la petite salope qui voulait profiter du réalisateur célèbre, et ma mère comme la maquerelle n’hésitant pas à monnayer sa fille pour faire carrière." Contexte de l’époque, disions-nous, bien pratique, par exemple, pour un Daniel Cohn-Bendit qui lui fait endosser la responsabilité de ses frasques pédophiles d’alors. Et c’est de manière tout aussi lucide que Samantha Geimer estime désormais, à propos du même Polanski : "Les Oscars expulsent un membre qui a purgé sa peine, c’est une mesure laide et cruelle qui sert les apparences. […] Ça ne change en rien la culture sexiste d’Hollywood aujourd’hui. Cela montre simplement qu’ils dévoreraient les leurs pour survivre". En d’autres termes, the show must go on

En effet, pour trois sacrifiés, deux vieillards en fin de carrière – Cosby et Polanski –, un producteur – Harvey Weinstein –, aux pratiques si voyantes qu’elles ne pouvaient qu’être vues un jour ou l’autre, c’est l’ensemble du système qui se purge afin de pouvoir continuer à aller de l’avant. La preuve en est qu’un film consacré aux frasques sexuelles du patron du défunt studio Miramax est déjà à l’étude ; avec Brad Pitt à la production, excusez du peu.

D’ailleurs, tout cela ne date pas d’hier. En 1921, l’acteur préféré des enfants, Roscoe « Fatty » Arbuckle, est arrêté pour une tournante ayant mal tourné et entraîné la mort de la jeune actrice Virginia Rappe, seulement âgée de vingt-six ans. Il sera ensuite blanchi par la Justice, mais qu’importe, Randolph Hearst, alors tout-puissant magnat de la presse, aura entre-temps eu sa peau. « Fatty » est bel et bien fini, au contraire des soirées fines qui n’en finiront plus de s’enchaîner dans les piscines au style néo-antique du Hearst Castle, légendaire et sulfureuse propriété du milliardaire en question, et auxquelles se presse le Tout-Hollywood. Il faut bien que quelqu’un paye.

Depuis, l’industrie du spectacle jette de temps à autre l’une de ses propres ouailles égarées au public. Rock Hudson, homosexuel tenu à la clandestinité avant de mourir du SIDA. Hugh Grant, le chéri de ces dames, poissé en compagnie d’une prostituée de bas étage sur… Hollywood Boulevard. Paul Reubens, autre idole des enfants, surpris en train de se masturber dans un cinéma porno. Mel Gibson, donné pour antisémite et alcoolique. Vanessa Redgrave, mise sur liste noire pour soutien trop appuyé à la cause palestinienne. Généralement, tout se finit par des confessions aussi larmoyantes que publiques, tant ce monde à la fois débauché et puritain en pince pour les rédemptions fracassantes. Schizophrénie, quand tu nous tiens.

En attendant, il en va d’Hollywood comme de l’URSS de jadis. On efface quelques têtes des photographies officielles, prétexte permettant d’assurer au peuple des spectateurs que les errances passées appartiennent à ce même passé et que, dorénavant, tout repartira d’un bon pied. The show must go on, tel que plus haut écrit.

PS : Eric Schneiderman, procureur général de l’État de New York, figure de proue du mouvement #MeToo, et chargé de l’affaire Weinstein, se trouve à son tour accusé de violences sexuelles par quatre femmes. À l’en croire, il s’agissait de "jeux sexuels consentis". Il a néanmoins consenti à démissionner de son poste.

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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