La vie a ses ironies qui jamais ne cessent de nous réjouir. Naguère, nos amis de gauche manifestaient pour faire « libérer leurs camarades emprisonnés » ; cause plus ou moins juste, mais ni moins ni plus que celle de leurs homologues de droite. Aujourd’hui, cette même gauche - à moins qu’il ne s’agisse de sa descendance, adultérine autant qu’ingrate -, défile dans la rue pour mettre les trublions en prison ou au chômage. Démonstration par Bertrand Cantat.

L’affaire remonte à 2003. À la suite d’une querelle conjugale, Marie Trintignant tombe sous les coups de son compagnon du moment, le chanteur de Noir Désir. Lequel écope de huit ans de prison au tribunal de Vilnius, en Lituanie. Il en purge quatre, bénéficiant d’une remise de peine pour bonne conduite, à l’instar du premier justiciable venu. En bonne logique, les compteurs auraient vocation à être mis à zéro. Un peu comme lors d’une confession, lorsque les péchés avoués et pardonnés ne doivent plus être remis sur la table par celui qui tient de Dieu son étrange pouvoir d’absolution. La justice d'ici-bas s’est finalement toujours inspirée de celle de tout là-haut, et ce n’est pas plus mal ainsi.

La première à ne pas l’entendre de cette oreille est Nadine Trintignant, mère de la défunte : "Comment ose-t-il ? Je trouve honteux, indécent, dégueulasse qu’il aille sur scène." Des sentiments aussi légitimes que compréhensibles. Mais est-ce une raison pour que d’autres, n’ayant vécu ce drame que de loin, viennent ensuite empêcher le même Bertrand Cantat de continuer à exercer son métier, sachant que ce qui vaut pour les facteurs vaut aussi pour les chanteurs ?

C’est pour lui d’autant plus crucial que, ses trois compères de Noir Désir l’ayant abandonné, il lui faut désormais entamer une carrière en solo, laquelle commence déjà à prendre du plomb dans l’aile avant même d’avoir véritablement commencé. Il s’en explique en ces termes :

Je comprends qu’être programmé dans le cadre de festivals cet été puisse poser problème, d’où ma décision de me retirer de ceux-ci. De cette manière, ces derniers n’auront plus à subir des pressions de toutes natures.

Les « pressions » en question persistent néanmoins, Bertrand Cantat ayant dû annuler un concert à Istres, alors qu’il peinait à assurer celui de Grenoble, le 13 mars dernier. Ce, pour cause de troubles à cet ordre public que notre troubadour dénonçait dans une autre vie, puisque tenu pour « ordre » quasiment « fasciste » ; soit rien de bien nouveau, même pour « l’ordre » en question.

Ironie, écrivions-nous plus haut. C’est vrai qu’il n’y a pas si longtemps, le prédicateur de Noirdez – tel qu’on disait naguère, sorte de mot de passe entre groupies transies – en appelait à une sorte d’insurrection générale. Pas la lutte armée, bien sûr, Universal, la multinationale du disque qui l’employait alors, n’aurait pas goûté ce vocable par trop viril ; mais au moins un petit bout de révolte adolescente, façon Téléphone et sa "Bombe humaine", une décennie plus tôt. Seulement voilà, cette même « lutte » se retourne aujourd’hui contre lui.

Bertrand Cantat, toujours, sur Facebook :

Nous sommes à Grenoble où j’ai voulu entamer une discussion avec quelques personnes qui manifestaient leur hostilité devant la salle. À peine apparu, un déchaînement de violence, d’insultes, une pluie de coups, aucune possibilité de discuter, de la violence, seulement de la violence.

Un peu comme celle des antifas contre ce Front national qui, lui aussi, a toujours eu un peu de mal à assurer ses meetings en tournée ? Nous n’en sommes pas loin.

Pour que l’ironie plus haut évoquée soit complète, il ne manquerait plus que Bertrand Cantat, déjà en butte aux menées hystériques d’une meute progressiste dont il fut naguère le héraut, lâche ce cri du cœur : « Que fait la police ? »

Là, ce serait fromage et dessert, apéro et vin à volonté. Encore un effort, camarade Bertrand, pour que la rigolade soit au zénith, à défaut de cet Olympia prévu pour ce joli mois de mai prochain, en pleine commémoration de cette autre blague que fut le millésime 1968.

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14 mars 2018 à 19:46

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