Alors que le mouvement des gilets jaunes semble repartir, après une courte "trêve des confiseurs", Boulevard Voltaire a interviewé Benjamin Cauchy, l'un des porte-parole historiques du mouvement. Comment le voit-il évoluer dans les prochaines semaines et prochains mois ?

Propos recueillis par Nicolas Boutin

Que pensez-vous de la fermeté du gouvernement face aux gilets jaunes ?

Lors de ses vœux du 31 décembre, Macron a souhaité faire acte de fermeté. Il l’a immédiatement retranscrite dans les actes. Il y a cependant une justice et une police à deux vitesses dans notre pays. Rappelons que le soir du 31 décembre, plusieurs milliers de véhicules ont été brûlés. Quid de l’arrestation de ces délinquants ? Des caïds vendent de la came à nos enfants depuis des décennies. Quid de leur arrestation ? Des gens se promènent avec des kalachnikovs un peu partout dans les grandes métropoles françaises. Quid de leur arrestation ?
Monsieur Castaner a voulu faire un coup médiatique en arrêtant Éric Drouet. Cela montre clairement son impuissance face à ce mouvement social.
Les gilets jaunes sont en train de recueillir l’ensemble du soutien des partis d’opposition en France, qu’ils soient d’extrême gauche ou d’extrême droite. Nous, gilets jaunes, sommes capables de recueillir un tel soutien de la part de l’opposition française que monsieur Macron pourrait être caricaturé comme un petit dictateur qui veut faire taire plus de 60 % de la France.
J’ai perçu cela comme un acte de mépris supplémentaire. Comparer un mouvement social à une foule haineuse alors qu’il a laissé rentrer des black blocs et infiltrer les manifestations parisiennes et toulousaines pour pouvoir dénigrer le mouvement. Je le trouvais plutôt pathétique. Concernant ses décisions politiques, il a tenté de faire le service après-vente des propositions faites le 10 décembre. Cependant, le 10 décembre, il a menti.
Il a menti sur la suppression de la hausse de la CSG puisqu’elle ne conviendra pas à tous les retraités touchant 2000 euros. Des retraités en couple ayant 34 000 euros de revenus à eux deux ne pourront pas en bénéficier.
Second mensonge, il dit que le SMIC va augmenter à la fin du mois de janvier. On se retrouve début février et on verra si tous les smicards auront touché. Ce n’est pas une augmentation de revenu, mais une prime d’activité qui doit être demandée à la CAF.
Les Français ne veulent pas d’aides sociales. Ils ne veulent pas être assistés. Ils veulent vivre dignement de leur travail. Monsieur Macron ne l’a pas compris.


Comment envisagez-vous l’avenir des gilets jaunes ?

Si les médias tentent de dire que le mouvement s’essouffle, c’est tout simplement parce que leurs régies publicitaires sont en train de s’amoindrir. En effet, les médias nationaux font beaucoup d’audience depuis quelques semaines, mais les régies publicitaires font, elles, moins de recettes.
Les banques, les commerçants et les assureurs veulent faire moins de publicités. Une sorte de petit chantage économique est en train de démarrer.
Sur le terrain, il n’y a pas d’essoufflement. Il y a certes eu une petite pause pendant les fêtes. La trêve des confiseurs existe aussi pour les gilets jaunes.
Il est certain que plus un mouvement social dure, plus il y a des risques de radicalisation.
Il est donc désormais important de savoir comment terminer un mouvement social. Un mouvement social qui est non structuré, protéiforme et transpartisan comme celui des gilets jaunes va avoir besoin d’une sortie par le haut.
Cela se fera sans doute de deux manières. Tout d’abord, par une structuration, peut-être de façon régionale ou locale. Ça commence à se faire. De petites associations se créent ici ou là sur le territoire. Ensuite, il faut participer au débat national. Non pas pour donner un blanc-seing à Emmanuel Macron, mais peut-être aussi pour lui montrer que son débat national n’est pas suffisant pour pouvoir mettre en œuvre une autre politique.
L’année 2019 sera une année de mobilisation sous trois formes. Une mobilisation de combat, c’est le rapport de force dans la rue. La mobilisation dans le débat, c’est le débat national qui va nous permettre de nous exprimer et de montrer que Macron n’est pas capable. Et pour finir, une mobilisation de l’électorat. Je ne suis pas convaincu qu’une liste gilets jaunes aux Européennes soit la plus pertinente. La seule personne qui serait heureuse dans ce pays d’avoir une liste gilets jaunes aux Européennes, c’est bel et bien Emmanuel Macron. Toutes voix prises par les gilets jaunes aux Européennes seront des voix ponctionnées sur les différentes oppositions françaises et sur les sujets de fond.
Les gilets jaunes peuvent s’exprimer sur le sujet de la démocratie dans notre pays. C’est un sujet majeur qu’ils peuvent exprimer de différentes manières. Il y a une défiance des élus. Pour cela, il va falloir des élus davantage en cohérence avec le corps électoral. Ça passe par une mise en place de la proportionnelle intégrale aux élections législatives et de référendums d’initiative citoyenne. Il faudra sans doute que ce ne soit pas avec un petit niveau de 50 000 pétitionnaires, mais plutôt un niveau d’un million.
Ce sont des sujets que nous voulons voir aborder.
Nous voulons aussi que la question de la place de la France en Europe et la question migratoire soient abordées. On sait très bien qu’Emmanuel Macron va le refuser. Nous allons donc insister pour qu’elles soient inscrites dans ce débat, de façon à le mettre face à ses responsabilités. Soit c’est un tabou, et dans ce cas, c’est un aveu de sa part. Soit ce n’est pas un tabou, et alors, il verra ce que les Français pensent.

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05 janvier 2019 à 21:21

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