C'est un imbroglio diplomatique lourd de significations qui oppose aujourd'hui la France à l'Italie. L'incident est dû à l'irruption, le 30 mars dernier, de douaniers français, en armes, dans un local alloué à une ONG d'aide aux migrants, situé à Bardonecchia, petite ville frontalière italienne. La France, après avoir tenu bon quelques heures face aux réactions virulentes des responsables politiques transalpins, en tentant d'expliquer le bien-fondé et la légalité de cette intervention, a fini, par la voix de Gérald Darmanin, ministre des Comptes publics, notamment en charge de l'administration douanière, par présenter ses excuses au nom du gouvernement français. Il ne s'agirait, selon le ministre, que d'un "simple malentendu". Il n'en demeure pas moins que les autorités italiennes semblent prendre ce "malentendu" très au sérieux, puisque le parquet de Turin a annoncé l'ouverture d'une enquête préliminaire portant sur des "soupçons graves", "d'abus de pouvoir", "de violence privée" et "de violation de domicile".

Cet incident, qui touche deux vieux pays européens, amis et fondateurs de l'Union européenne, n'est cependant pas innocent et dénué de profondes significations. Tout d'abord, il illustre de manière flagrante la manière dont la France, ces dernières années, par son attitude parfois hautaine et condescendante sur le champ diplomatique vis-à-vis de certains pays de l'Union européenne, en particulier ceux du sud de l'Europe, a fini par indisposer au plus haut point ses partenaires les plus anciens. Les leçons d'européisme données par nos Présidents successifs et madame Merckel ont tout simplement marginalisé notre paysn qui doit s'attendre désormais à être payé en retour.

Ensuite, ce différend met parfaitement en lumière l'absence de coordination et de vision commune des États de l'Union européenne en matière de politique migratoire. L’Italie, qui prend de plein fouet les vagues de migrants depuis de nombreuses années, reproche au reste de l'Union, sans doute à juste raison, de ne pas prendre toutes ses responsabilités face à ce défi majeur. À cet égard, la France fait figure d'accusée de premier choix.

Enfin, il révèle de manière évidente que l'union affichée par les 26 - la Grande-Bretagne ayant fini par choisir son camp et se sortir de ce guêpier - n'est plus qu'une façade. Les peuples ont perdu confiance face à cette machine technocratique et inhumaine, et manifestent, au gré des élections nationales, une défiance qui ne se dissimule même plus. Plus que jamais, le couple franco-allemand est décrié et remis en cause par des pays qui n'en peuvent plus de subir ses diktats.

Reste à savoir si nos autorités, dans leur tour d'ivoire et si sûres d'elles-mêmes, sauront prendre comme il se doit ce nouveau signal d'alarme. Car la politique migratoire de l'Union européenne est loin d'être la seule à être contestée en son sein même. Ainsi, l'agriculture, les travailleurs détachés, l'absence de vision commune face aux conflits mondiaux, les dissensions face à l'intégration d'autres pays (la Turquie, en particulier) et même une vision d'avenir de l'Union européenne pour le moins confuse sont autant de cailloux dans le soulier d'une Europe plus que jamais en perte de vitesse. Il ne faut donc pas sous-estimer cette algarade franco-italienne qui est, en réalité, révélatrice de l'état d'esprit qui anime aujourd'hui les peuples du Vieux Continent. Sans doute, au nom de l'intérêt général, et pour quelques raisons bien politiques qui ne seront pas révélées, le calme reviendra-t-il vite et un accord de circonstance sera-t-il trouvé. N'empêche, le ver est désormais dans le fruit !

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 19:36.

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06 avril 2018 à 9:59

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