Barcelone, la cité de la (même pas) peur

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Ils ont manifesté samedi par centaines de milliers dans les rues de Barcelone sous le slogan "Je n’ai pas peur". Sans doute qu’un "Je suis Barcelone" aurait fait un peu copieur, réchauffé, banal finalement. Alors, va pour "Je n’ai pas peur". Un slogan repris, en s’esclaffant presque, par Mme Ada Colau, le maire de Barcelone - une dame qui pourrait être la fille cachée d’Emmanuelle Cosse et d’Anne Hidalgo -, lors de la conférence de presse qu’elle a donnée samedi avant cette manifestation monstre.

Espérons, en effet, qu’il ne s’agit que d’un slogan – un de plus -, une fanfaronnade, une posture de matamore de salon ou de terrasse de café - et non de champ de bataille, puisqu’on est résolument sur le thème « Faites l’amour, pas la guerre » en Catalogne et qu’il n’est surtout pas question de mater les Maures !

Car que disait Pascal au sujet de la peur ? "Le plus grand philosophe du monde, sur une planche plus large qu’il ne faut pour marcher à son ordinaire, s’il y a au-dessus un précipice, quoique sa raison le convainque de sa sûreté, son imagination prévaudra. Plusieurs n’en sauraient soutenir la pensée sans pâlir et suer." Barcelone serait-elle alors une ville de philosophes funambules… ou somnambules ? Je dis Barcelone, mais la question se pose pour toutes ces villes qui organisent après chaque attentat islamiste des rassemblements de peluches, éclairés à la bougie. Une question qui se pose plus généralement à notre société occidentale.

Tahar Ben Jelloun écrivait, en octobre 2015, dans une tribune publiée sur son blog et intitulée tout simplement "La peur" : "Il faut se méfier des personnes qui ne connaissent pas du tout cette sensation d’angoisse et de paralysie, de stupeur et de panique, d’épouvante et de faiblesse. Ce sont des gens dangereux, car sans peur, la vie et la mort se confondent avec facilité et l’attachement à l’instinct de vie se transforme à notre insu en instinct de mort." Alors, ne sommes-nous pas entrés dans un monde de somnambules où l’on a du mal à discerner la frontière entre le virtuel et le réel, tant que l’on n’est pas personnellement confronté à l’horreur ?

À ce sujet, connaissez-vous La Peur, ce roman qui date de 1930 ? Un roman de Gabriel Chevallier, plus connu pour son célèbre Clochermerle. Dans La Peur, Gabriel Chevallier décrit le quotidien des poilus dans les tranchées durant la Grande Guerre. Un quotidien fait d’horreur et… de peur. Cette peur qui prenait au ventre les soldats avant de monter à l’assaut. De ce roman, Damien Odoul en a tiré un film en 2015. Une phrase, peut-être, à retenir : "Je vais vous dire la grande occupation de la guerre, la seule qui compte : j’ai eu peur."

Mais peut-être que les philosophes de Barcelone sont occupés à tout autre chose et ignorent que nous sommes en guerre…

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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