Les avocats se prennent pour des cheminots de la CGT… et n’arrivent à rien !

Les cheminots sont en grève, ce que chacun sait. Certains étudiants le sont aussi, pour protester contre la réforme des universités. Et c’est le tour des avocats, qui ne manquent plus une occasion de manifester. Cette profession qui passe toujours pour privilégiée dans l’opinion, dont l’image de notable reste enracinée dans l’inconscient collectif, est en crise grave et ne sait pas comment s’en sortir.

Si les avocats n’hésitent plus à se comporter comme n’importe quel syndicaliste, ce n’est pas seulement à cause de leur opposition – qui peut s’entendre, au moins en partie – à l’encontre des projets de réforme du gouvernement, c’est aussi parce que sa composition s’est profondément modifiée depuis trois décennies.

En trente ans, leur nombre a doublé. Ils sont plus de 66.000 en France. En cause ? Un examen initial de moins en moins sélectif, une formation professionnelle dont les élèves avocats déplorent l’indigence et un examen final qui s’apparente à une simple formalité. En sortent chaque année des milliers de généralistes qui inondent les barreaux de leur désœuvrement, alors que les cabinets spécialisés peinent à recruter des collaborateurs compétents et efficaces en droit du travail, en droit fiscal ou en droit de la concurrence. Au bout du compte, 30 % des jeunes avocats quittent la profession dans les dix années qui suivent. Et, malgré cela, la population continue d’augmenter.

Or, contrairement aux apparences, il s’agit d’un métier difficile et exigeant. Non seulement le droit est d’une complexité croissante, mais encore la clientèle économiquement intéressante se concentre sur des conseils à la compétence reconnue et n’hésite pas à imposer des conditions de rémunération strictes. Cela impose une formation initiale et permanente de qualité et une spécialisation progressive pour rester dans le peloton de tête. En bref, beaucoup de travail auquel tous ne sont pas prêts…

Ce qui devrait amener la profession à réguler sa démographie entraîne, au contraire, une paupérisation criante. Quel que soit le coût - parfois exorbitant - d’un divorce, on ne gagne pas sa vie correctement devant le juge aux affaires familiales. Quant aux pénalistes, pour un Dupond-Moretti, on trouve aux marches des palais quelques milliers de traîne-misère… Mais les avocats sont très politisés. À gauche, de préférence. Leurs instances nationales sont le reflet d’un syndicalisme dont on retrouve le pendant au Syndicat de la magistrature. Pas question de fermer le robinet, au contraire, ils réclament encore et toujours l’extension du secteur assisté, qui permet à la moitié d’entre eux de survivre au prix d’une fonctionnarisation rampante et de revenus misérables.

À l’inverse des très discrets notaires, ils ne savent pas négocier efficacement et défendre leurs intérêts. Drapeaux rouges du Syndicat des avocats de France en tête, ils multiplient les motions, les rassemblements, les manifestations et les grèves dont leurs clients sont les premières victimes. Alors, quand le gouvernement, pour des raisons budgétaires, propose de rationaliser le fonctionnement des juridictions, les avocats se sentent légitimement menacés. Mais, parce qu’ils ne savent pas faire le ménage chez eux, ils sont inaudibles en réclamant plus de justice de proximité, en craignant - à juste titre - une privatisation de la Justice, en déplorant une déshumanisation bien réelle de l’institution. Mais tous, ou presque, sont des eurobéats convaincus… La contradiction ne les effleure pas.

Mais on ne discute pas avec des technocrates le mégaphone à la main. Lorsqu’ils l’auront compris, les avocats se feront entendre sans se donner le frisson du Grand Soir à la mode CGT.

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