Le PDG de Lactalis, Emmanuel Besnier, est enfin sorti de son silence. Dans une interview au Journal du dimanche, il promet d’indemniser toutes les familles qui ont subi un préjudice après que leur nourrisson a été infecté par la salmonelle contenue dans le lait en poudre produit par l’usine de Craon.

Une telle transaction, procédé qui nous vient tout droit des États-Unis, a pour but d’éviter un long et fastidieux procès qui écornerait encore plus l’image de marque du groupe aux plus de cinquante marques : Président, Lactel, Bridélice, Roquefort Société, Lanquetot, etc.

Déjà, des voix se font entendre dans le monde agricole pour défendre le groupe au capital de 140 millions d’euros mais au chiffre d’affaires inconnu, puisque le très discret patron de l’ex-empire Besnier préfère payer l’amende au greffe du tribunal de commerce plutôt que de rendre publics ses comptes !

Pourquoi donc les agriculteurs défendent-ils un système opaque ? Parce que la crise est avant tout un problème de sécurité sanitaire. Ce qui est en cause, c’est la transformation du produit brut (le lait) en produit transformé (lait en poudre). L’incident vient très certainement d’un mauvais entretien des installations de l’usine de Craon (Mayenne). "[…] Quand vous mettez des tamiers au sol, quand vous voyez des brosses qui servent à nettoyer les tuyaux qui finissent au sol ou qui côtoient toutes les poussières d'une semaine de production, effectivement il ne faut pas être surpris qu'on puisse contaminer un circuit de poudre" de lait, témoigne un employé de la laiterie de Craon à nos confrères de France 3.

Dès décembre 2017, comme le rapportait l’agence AFP, le problème était déjà connu mais l’entreprise n’a, semble-t-il, pas pris les mesures nécessaires pour y remédier. De même, si l’on en croit les déclarations de leurs différents dirigeants, les enseignes de la grande distribution n’ont pas été promptes à retirer les lots de leurs rayonnages.

Tant et si bien que la négligence hygiénique s’est transformée en problème sanitaire, puis médical, et se transforme maintenant en problème économique, juridique et de notoriété publique. Reste qu’en bout de chaîne, ce sont les quelque 23.000 éleveurs qui vendent leur lait directement à Lactalis qui craignent pour leur avenir. Comme pour le poulet à la dioxine (mai 1999), les graines germées tueuses (mai 2011), les matières fécales dans les gâteaux au chocolat d’Ikea (novembre 2012), les lasagnes à la viande de cheval (janvier 2013) et encore le friponil dans les œufs (août 2017), les agriculteurs sont les premières victimes de ces dysfonctionnements. Ils en paient le prix fort. Deux fois, même : une fois parce qu’ils sont pénalisés par la fin des quotas laitiers qui a fait chuter le prix du litre du lait et donc leurs revenus ; une autre fois car ils risquent de ne plus trouver de débouchés et savoir à qui vendre leur production. Quant aux 317 salariés de l’usine de Craon, pas moins de 250 d’entre eux sont en chômage partiel jusqu’au 4 février.

Mais qu’on se rassure, le groupe Lactalis semble avoir les reins suffisamment solides pour se sortir de cette mauvaise passe. Il en va autrement pour les paysans et les salariés…

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14 janvier 2018 à 19:49

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