Comme chaque année, le ministère publie le classement des lycées, fondé sur les derniers résultats du baccalauréat. Ce classement prend en compte plusieurs indicateurs, comme le pourcentage de réussite, le nombre de mentions, la structure et la sociologie de l'établissement, la différence entre le taux attendu et le taux effectif, etc. Le ministère rappelle que ce n'est pas un palmarès et qu'il faut comparer les lycées à d'autres qui leur ressemblent. Mais à quoi, donc, sert ce classement ?

Permet-il, par exemple, aux parents de collégiens de choisir le meilleur lycée pour leurs enfants ? Non, puisque, dans l'enseignement public, les affectations sont fixées par la carte scolaire. C'est-à-dire qu'elles dépendent principalement du lieu de domicile. Il reste donc aux familles qui savent trouver l'information, ou qui disposent de relations, la possibilité d'essayer d'obtenir une dérogation en demandant une option qui n'existe que dans un établissement convoité. Ou, s'ils ont un proche dans un quartier où se situent de bons lycées, de lui demander le service d'y domicilier leur enfant. À défaut, ils peuvent déménager ou s'acheter une adresse.

On voit bien que ce n'est pas une solution à la portée de tous. Faut-il se tourner vers l'enseignement privé ? Là encore, il y a de grandes différences qualitatives entre les établissements. Certains sont en tête du classement, mais ne sont pas accessibles à tous : l'inscription est parfois sélective et il faut pouvoir débourser des frais supplémentaires. Bref, si vous n'avez pas la chance d'être un ministre ou un notable, vous risquez fort d'être contraint d'accepter le lycée de votre secteur.

Il est pourtant tout à fait légitime que des parents souhaitent pour leurs enfants le meilleur établissement possible. Certains, même dans des milieux modestes, sont prêts, pour y arriver, à des sacrifices financiers. Alors, faut-il supprimer la carte scolaire, instaurer une libre concurrence entre les établissements ? C'est une possibilité qu'on envisage, surtout à droite, mais, à gauche, on profiterait bien de l'aubaine. Dans ce cas, un classement des établissements serait utile, bien que la rumeur suffise le plus souvent à connaître la réputation d'un lycée. Mais beaucoup d'enfants, notamment dans les milieux socio-culturels défavorisés, resteraient sur le carreau et n'auraient pour perspective que les lycées dont personne ne veut.

Le directeur de Stanislas, dans le VIe arrondissement de Paris, en tête du classement, explique, dans Le Figaro, qu'il aime dire aux élèves "que s’ils ont des aptitudes au départ, nous essayons de leur inculquer de bonnes attitudes et de bonnes habitudes de travail". Il n'est pas certain que le public scolaire de cet établissement soit particulièrement défavorisé, mais le conseil vaut pour tous les établissements. L'objectif de tout enseignement devrait être, à la fois, de faire progresser l'ensemble des élèves et de permettre à chacun, en fonction de ses talents, d'atteindre l'excellence. Ce qui suppose une transformation profonde du système éducatif et des mentalités.

Plutôt que d'établir des classements qui ne servent pas à grand-chose, sinon à susciter la satisfaction des uns et le regret des autres, le ministère devrait s'atteler à relever partout le niveau de l'enseignement et du baccalauréat. À quoi bon s'extasier sur 91 % de réussite au bac général si ce passeport débouche sur l'échec dans les études supérieures ? Il faudrait, aussi, admettre que tous les élèves n'ont pas les mêmes capacités et que l'égalitarisme est la forme la plus pervertie de l'égalité. Mais cela, ce serait une révolution dans l'Éducation nationale !

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20 mars 2019 à 16:53

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