Ascometal en redressement judiciaire : un autre exemple de la désindustrialisation française

La sidérurgie lorraine est une filière menacée. Dernier exemple en date : Ascometal, placée en redressement judiciaire depuis le 22 novembre dernier. Avant d'entrer dans le vif du sujet, il convient de regarder dans le rétroviseur. En 2014, Ascometal était reprise par Frank Supplisson, suite à une décision du tribunal de commerce de Nanterre. Ce fleuron de l’industrie française avait donc déjà été placé en redressement judiciaire. Attendu comme le messie, Frank Supplisson bénéficiait alors d’articles de presse élogieux, notamment dans Les Échos qui rapportaient le parcours de cet ancien directeur de cabinet d’Éric Besson (au ministère de l’Immigration, puis à Bercy), en des termes qui ne faisaient pas mystère d’une certaine connivence. Ses proches confiaient au quotidien d’information économique que l’homme était un "bulldozer", un homme d’affaires "pugnace", "féroce", "ultra-perfectionniste", "dur" ou encore "ambitieux".
 
Quant à son ancien patron Éric Besson, il ne cachait pas son admiration : "Vous trouverez toujours des gens pour dire du mal. Moi, j'en dirais (sic) d'autant plus de bien. Il y a tellement peu d'hommes et de femmes comme lui, capables d'allier réflexion stratégique et passage à l'action. C'est un moteur, un guerrier." Las, le bulldozer changé en mini-pelle s'est heurté au mur des réalités. Et pourtant, tout avait bien commencé pour Frank Supplisson qui, par son entregent et ses relations, avait su obtenir une aide de l’État d’un montant total de trente-cinq millions d’euros, dont trois millions d’euros de la région Lorraine en échange du transfert du siège d’ASCO Industries de Paris à Hagondange ! À peine un peu plus de trois ans plus tard, Ascometal était de nouveau placée en redressement judiciaire ! Un cauchemar pour les 1.415 salariés du groupe, parmi lesquels 580 Lorrains répartis à Hagondange et à Custines.
 
Quel avenir pour Ascometal ? Trois candidats se sont proposés pour reprendre le groupe : les Espagnols de Sidenor, les Suisses Schmolz + Bickenbach et l’Anglo-Indien Liberty Steel. À tous, l’État proposera d’importantes subventions, faute de quoi les repreneurs renonceraient. Un comble ! Et pas une seule offre française ! Les restructurations entraîneront évidemment des pertes d’emplois. Les Suisses de Schmolz + Bickenbach prévoient, par exemple, la fermeture des sites de Fos, Paris et Ascoval. Quant aux Britannico-Indiens de Liberty Steel, ils entretiennent un flou coupable sur la stratégie qu’ils entendent mettre en place pour relancer Ascometal. Bref, il n’existe pas de solution miracle dans un pareil contexte économique, surtout après l’échec dans les grandes largeurs de Frank Supplisson, chouchou des médias et du pouvoir en 2014.
 
Les travailleurs de la sidérurgie française paient les erreurs des autres, celles des repreneurs qui se voyaient trop beaux, tel monsieur Supplisson, mais surtout, plus généralement, celles des gouvernements qui se succèdent au pouvoir depuis quarante ans, qui ont commis un véritable crime contre nos industries en se livrant pieds et poings liés aux technocrates de l’Union européenne, à une vision dévoyée de l’économie. Disons-le clairement : la France n’a plus de stratégie industrielle. Nous avançons au petit bonheur la chance, soumis aux prédations mondiales de pays émergents qui ont acquis notre savoir-faire grâce aux différents transferts de compétences des vingt dernières années, sans être toutefois soumis à nos normes. L’Inde et la Chine sont en train de littéralement dépecer la sidérurgie française. Que faire pour maintenir les emplois et conserver ce secteur stratégique ? Aussi simple à comprendre que difficile à mettre en œuvre par des politiciens qui manquent de courage : instaurer un minimum de barrières, un minimum de protectionnisme et sortir de la spirale de l’immédiateté. C’est ce que font toutes les grandes puissances mondiales, des États-Unis à la Chine, en passant aujourd’hui par la Grande-Bretagne. Qu’attendons-nous pour nous protéger comme eux le font déjà ?

Dominique Bilde
Dominique Bilde
Députée européenne du FN

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