"Je ne voudrais pas qu’on soit dans les mêmes inquiétudes que l’Allemagne où, aujourd’hui, les équipements publics sont dans un état calamiteux parce que les collectivités locales n’ont pas investi depuis dix ans", déclarait Charles-Éric Lemaignen, président des Communautés de France, après les annonces d’Emmanuel Macron lors de la première conférence nationale des territoires au Sénat. Tout à sa volonté de "modernisation" de l’organisation territoriale française, Emmanuel Macron s’est une nouvelle fois montré cassant, accentuant son image de chef suprême, monarque républicain amené à prendre des décisions difficiles. Au risque de passer pour un petit chef nerveux, colérique ?

Cheval de bataille du Président et de son gouvernement : réaliser des économies. L’objectif est louable, mais le plan laisse à désirer. En effet, Emmanuel Macron défend une véritable saignée, proche du programme que défendait le candidat Fillon. En échange d’une plus grande autonomie, les collectivités locales devront faire une croix sur 13 milliards d’euros, soit deux milliards d’euros par an jusqu’en 2022. Au total, une augmentation nette de 3 milliards d’euros par rapport au projet initial.

Un montant, d’ailleurs, toujours sujet à caution, conditionné par les objectifs fixés par le gouvernement en matière de baisse du déficit public. Ces restrictions devraient malheureusement entraîner une baisse massive des dépenses d’investissement, mais aussi (et c’est certainement plus préoccupant) un moindre entretien des équipements déjà existants. Il faut ajouter à cela la réforme de la taxe d’habitation prévue pour 2018, qui risque de fragiliser un peu plus les maires, seuls élus en lesquels les Français ont toujours confiance.

Oui, il faut s’attaquer au chantier de la dette souveraine et des dépenses publiques, véritables questions de souveraineté. Avec une dette s’élevant à près de 100 % du PIB qui a connu une augmentation exponentielle durant les vingt-cinq dernières années, la France n’est plus libre de ses mouvements. Oui, la taxe d’habitation est injuste, anormalement élevée dans des villes de province au revenu moyen plutôt faible et basse à Paris. À terme, si la réforme se concrétise, seuls les 20 % des foyers français les plus aisés paieront la taxe d’habitation.

Mais plusieurs interrogations restent en suspens. D’abord, pourquoi ne pas avoir supprimé d’autres postes de dépenses, à l’image de l’aide médicale de l’État, qui coûte un milliard d’euros par an à la France, c’est-à-dire un peu plus que les 850 millions d’euros de budget en moins pour nos armées qui, selon le mot de Pierre de Villiers, n’ont déjà "plus de gras" ? Ensuite, pourquoi s’attaquer aux communes, échelon territorial plutôt performant, et comment compenser intégralement les pertes sèches des recettes de la taxe d’habitation ?

Avec ces réformes, les collectivités locales, qu’on ne saurait toutefois exempter de tout reproche, dépendront de plus en plus de l’État… étonnante conséquence d’une politique se voulant décentralisatrice. Autres conséquences étranges de la politique d’Emmanuel Macron : les classes moyennes supérieures productrices de richesse seront toujours plus durement taxées et l’armée, pourtant le cœur du réacteur d’une politique verticale recentrée sur les missions régaliennes de l’État, encore un peu plus affaiblie dans un moment critique, en dépit des promesses d’augmentation du budget à l’horizon 2018.

Les anciens disent qu’on juge l’arbre à ses fruits. Nous verrons bien ce qu’il en sera dans les années à venir. Une chose est néanmoins certaine : Emmanuel Macron préfère s’attaquer aux institutions profitables au bien commun plutôt qu’aux mauvaises dépenses et à l’assistanat.

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19 juillet 2017 à 11:33

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