Apprentissage de la lecture : Gaby Cohn-Bendit s’érige en redresseur de torts

On connaît Daniel Cohn-Bendit, ce révolutionnaire petit-bourgeois qui, après avoir fichu la chienlit à Paris, fit une carrière politique en Allemagne pour devenir, aujourd’hui, un soutien de Macron et un donneur de leçons sur les plateaux de télévision. Dany le rouge, qui est passé par bien des couleurs, s’est revendiqué comme "libéral-libertaire", épithète qui le qualifie bien puisqu’il est à la fois la coqueluche des bobos et des libertaires de tout poil.

On connaît moins son frère aîné, Jean-Gabriel, dit Gaby, qui suivit un parcours politique similaire, quoique moins médiatisé, passant de la gauche la plus extrême à la gauche la plus à droite. Au gré de ses humeurs vagabondes, il a soutenu Ségolène Royal, Hollande et même, si l’on en croit sa lettre ouverte dans Libération du 30 décembre 2015, Nathalie Kosciusko-Morizet au premier tour des primaires et Alain Juppé au second. Pour éviter "un face-à-face Sarkozy-Marine Le Pen", prédisait-il, en se trompant sur toutes les coutures.

Gaby est aussi un fervent partisan d’éducation nouvelle. En juin 1981, sous le mandat de François Mitterrand, il adressa une lettre ouverte au ministre de l’Éducation nationale, le "camarade Savary", pour obtenir la création d’établissements expérimentaux, comme à Saint-Nazaire.

S’il n’a pas le bagout de son frère, il semble avoir une addiction pour les lettres ouvertes – y voit-il un moyen de sortir de l’obscurité ? Il vient d’en écrire une à Jean-Michel Blanquer qui, apparemment, n’est pas son « camarade ». Selon Gaby, contrairement à ce que racontent les réactionnaires, "ses adversaires de toujours, les Alain Finkielkraut et Natacha Polony", ce n’est pas le mouvement de Mai 1968 qui est à l’origine du déclin de l’enseignement et des mauvais résultats des élèves aux évaluations PISA et PIRLS. C’est l’absence de changement !

Pour le démontrer, il emploie des arguments, qu’il croit imparables, mais qui ne tiennent pas la route, pour peu qu’on ne soit pas aveuglé par l’idéologie et la mauvaise foi.

Il reproche à Jean-Michel Blanquer de vouloir remédier aux lacunes des élèves en lecture et dans la compréhension de ce qu’ils lisent par une série de propositions : interdire le portable à l’école, faire une dictée par jour, mettre un uniforme aux élèves, etc. Et de se gausser de l’efficacité de telles mesures pour l’apprentissage de la lecture. De qui vous moquez-vous, Gaby ? De vous-même ? Car, s’il a bien fait ces annonces, ce n’est pas à propos de la lecture, mais pour améliorer le climat scolaire et l’efficacité des enseignements.

À propos de lecture, il a simplement réaffirmé, en se fondant sur des études scientifiques, que la méthode syllabique est supérieure à la méthode globale. Quelle hérésie, n’est-ce pas ?

Gaby conseille au ministre d’aller "voir en Finlande comme ça se passe". Ce petit pays, d’un peu plus de cinq millions d’habitants, à la population relativement homogène, est certes régulièrement en tête des classements PISA. Mais peut-on comparer sa situation à celle de la France ? Si Jean-Michel Blanquer ne met pas cette lettre à la poubelle, il va rire sous cape, lui qui incite aux innovations, à condition qu’elles soient efficaces et sérieusement évaluées.

Pauvre Gaby : tout comme votre frère, vous ne vous arrangez pas en prenant de l’âge ! Vous vivez mal de n’être plus en grâce, comme ce fut le cas sous d’autres ministères. Votre dialectique, votre art de faire passer les vessies d’une pédagogie idéologique pour les lanternes de la raison n’abusent plus personne. Quant au mépris que vous affichez pour Alain Finkielkraut et Natacha Polony, il les honore : pour pouvoir les juger, il faudrait commencer par être à leur hauteur. Vous en êtes loin !

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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