Annick Girardin, le ministre des Outre-mer, se dit "choquée" qu’une centaine d’enseignants, qui avaient quitté l’île de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy après l’ouragan Irma, ne soient pas de retour pour assurer la rentrée. Éphémère ministre de la Fonction publique sous le mandat de François Hollande, elle semble se faire un devoir de rappeler à l’ordre ces fonctionnaires. C’est un "abandon de poste", fustige-t-elle, réclamant des sanctions : elle plaidera dans ce sens auprès du ministre de l’Éducation nationale !

Cette méthode n’est-elle pas quelque peu expéditive ?

On comprend qu’après la catastrophe, alors que les îles étaient totalement détruites, sans eau, sans électricité, sans moyens de communication, des professeurs soient partis mettre leurs familles à l’abri en Guadeloupe, à la Martinique ou en métropole. On peut imaginer le choc qu’ils ont subi et leur besoin de trouver un peu de réconfort ou de sécurité.

On comprend aussi qu’à quelques jours de la rentrée, Annick Girardin s’inquiète du retour de ces enseignants, même si c’est plutôt le rôle du rectorat et de l’inspection académique dont dépendent administrativement les territoires concernés. Elle souhaite avant tout que ces îles ravagées reprennent une vie à peu près normale et que tous les enfants puissent reprendre le chemin de l’école.

Mais il existe, pour atteindre cet objectif, d’autres solutions que de les désigner publiquement à la vindicte populaire, en les accusant implicitement de fainéantise. Les mauvaises langues ajouteraient qu’il est facile de donner des leçons de civisme quand on ne vient sur place que pendant quelques jours et qu’on rejoint ensuite son confort parisien. Peut-être est-ce un moyen de reporter sur d’autres les carences de l’État en matière d’anticipation de la catastrophe ?

À Saint-Martin ou à Saint-Barthélemy comme ailleurs, il peut arriver que des fonctionnaires abusent. Mais, dans ces régions qui ont connu un ouragan dévastateur, dont on a du mal à mesurer en métropole les séquelles matérielles et psychologiques, un ministre devrait éviter de jeter le soupçon et le discrédit sur des personnes dont il ne connaît pas la situation particulière. Juger et condamner en bloc tient plus d’une approximation diffamatoire que d’un discernement mesuré.

Il arrive que des professeurs soient sanctionnés pour « abandon de poste ». Cette notion recouvre deux hypothèses : l’abandon pur et simple de ses fonctions ou le refus de rejoindre son poste à la fin d’un congé, d’une mutation ou d’une nomination. Encore faut-il s’en assurer et mettre en demeure les personnes concernées de reprendre leurs fonctions en les informant des sanctions encourues, la plus grave étant celle de la radiation des cadres.

Il appartient, le cas échéant, au recteur de l’académie de la Guadeloupe ou au directeur académique des services de l'Éducation nationale de prendre les dispositions nécessaires pour s’informer de chaque cas et prendre des sanctions si la mauvaise volonté de l’intéressé est manifeste. Ce n’est pas au ministre des Outre-mer de s’ériger en directeur de conscience ou en censeur.

Le rectorat de la Guadeloupe avait, fin septembre, publié un communiqué où il affirmait que "la préoccupation du ministère et de l’académie a été d’apporter aide et réconfort à leurs personnels, dans ces circonstances particulièrement difficiles, afin qu’ils puissent faire face aux problèmes personnels, psychologiques et sociaux qu’ils ont rencontrés". Attitude certainement plus humaine que celle d’un ministre qui ferait mieux de laisser l’administration compétente faire son travail.

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03 novembre 2017 à 14:35

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