Les Américains bombardent les Syriens à Deir ez-Zor

Le siège de Deir ez-Zor fut un des hauts faits d’armes de la guerre qui ravage la Syrie depuis six ans. Après des mois de résistance acharnée, l’enclave loyaliste (un tiers de la ville) avait été libérée par l’armée syrienne, appuyée par l’aviation russe. Daech était une nouvelle fois vaincu et devait abandonner sa dernière ville importante en Syrie.

C’était en septembre dernier, sur l’Euphrate. Au-delà du fleuve, il y a les champs de gaz et de pétrole, jusqu’à la frontière irakienne. Les Américains sont alors entrés en scène et ont organisé l’occupation, par les Kurdes, de la rive est de l’Euphrate. Ce territoire est exclusivement peuplé d’Arabes, mais peu importe. Il s’agissait d’empêcher le régime de reconquérir trop de territoire et trop de ressources financières. Depuis, les choses étaient figées : l’armée syrienne à l’ouest, les Kurdes et les conseillers américains à l’est.

Depuis l’offensive turque contre l’enclave kurde d’Afrin (au nord-ouest du pays), plusieurs centaines de volontaires kurdes ont quitté la région de Deir ez-Zor pour rejoindre leurs frères attaqués. L’armée syrienne les a laissés passer.

Damas a pensé alors qu’affaiblie, la résistance kurde serait symbolique et qu’un déploiement de force au-delà du fleuve était possible. Plusieurs centaines d’hommes ont donc traversé l’Euphrate. L’aviation américaine (pudiquement appelée « aviation de la coalition ») est aussitôt intervenue massivement, tuant plusieurs dizaines de combattants. Parmi eux, des chiites iraniens et afghans, ainsi que des Arabes de la région, membres des milices pro-Damas.

Ce coup de poker se solde donc par un échec. Les Américains ont clairement indiqué qu’ils continueraient d’occuper cette partie de la Syrie, sans d’ailleurs le moindre mandat ni du régime syrien ni de l’ONU. Leur objectif principal est connu : il s’agit d’assurer une présence permanente par le biais des Kurdes afin d’empêcher une implantation durable de l’Iran, nouvel empire du mal pour Washington.

Bien évidemment, l’offensive turque contre Afrin perturbe leur plan, car il a bien fallu lâcher son fidèle allié kurde dans cette bataille afin de ne pas heurter de front la Turquie, toujours membre de l’OTAN. Mais la région de Deir ez-Zor, loin de la frontière turque, n’intéresse pas Erdoğan, et les Kurdes, couverts par l’aviation américaine, peuvent continuer d’occuper ces territoires et d’engranger les recettes gazières…

Il n’est, toutefois, pas certain que cette occupation se poursuive encore longtemps sans accroc dans une région de peuplement exclusivement arabe, car chacun sait que Kurdes et Arabes vivent rarement ensemble pacifiquement.

Pendant ce temps, dans Deir ez-Zor libérée par l’armée syrienne, Sa Sainteté Ignace Aphrem II Karim, Patriarche d’Antioche et de tout l’Orient de l’Église syriaque orthodoxe, célébrait une messe dans les décombres de l’église Sainte-Marie. La première depuis six ans.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 20:54.
Antoine de Lacoste
Antoine de Lacoste
Conférencier spécialiste du Moyen-Orient

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