Le grand public qui attendait du sang sur les murs du Sénat a de quoi être déçu car la mise à la question extraordinaire d’Alexandre Benalla a bien failli se terminer en anesthésie générale. Après les propos fracassants, la semaine dernière, de l’ancien conseiller du Président et les déclarations énervées des Castaner et Belloubet au sujet de la légitimité de cette commission d’enquête sénatoriale, on attendait du grand, du beau spectacle. Eh puis, non. Remboursez, s’écrit le badaud !

Par exemple, on aurait eu un Benalla qui serait resté muet comme une carpe, cela aurait eu de la gueule. D’autant qu’il avait fixé lui-même les limites de l’exercice : il ne répondrait pas aux questions relevant de l’enquête judiciaire en cours, du secret professionnel et du secret de la Défense nationale. En gros, au mieux, il nous donnerait l’adresse de son tailleur, et encore !

En fait, il a été bavard comme une pie sur son rôle de coordonnateur et de « facilitateur » dans les déplacements du Président. Bavard, courtois, souriant, gentil comme tout, s’excusant, dans son propos liminaire, d’avoir traité Philippe Bas de "petit marquis" et les sénateurs de "petites personnes" et confessant un "profond respect pour le Sénat". Tu seras bien poli avec ces messieurs-dames, hein, Alexandre ! Un zeste de larmes aurait été bien vu.

Bavard comme une pie mais rien qui casse trois pattes à un canard. Finalement, la seule révélation de cette audition devant la commission de la chambre haute aura été Alexandre Benalla lui-même. Car, il faut bien le reconnaître, le bel Alexandre, du haut de ses 27 ans, a tenu deux heures et demie, face à une cinquantaine de sénateurs faisant deux fois son âge, sans se laisser démonter, retourner ou désarçonner. Le coaching, décidément, fait des miracles. Il faut dire, aussi, que cela ne ressemblait pas à un interrogatoire dans les sous-sols de la rue Lauriston et que l’on a vu de grands oraux autrement plus sportifs.

Que retenir, alors, de cette audition ? En creux, d’abord, que Christophe Castaner peut incontestablement postuler pour la charge de premier bouffon de La République en marche et, tant qu’à faire, de la République tout court. En effet, la semaine dernière, le secrétaire d’État aux Relations avec le Parlement pointait du doigt, à travers la mise en œuvre de cette commission, ceux qui voulaient destituer le chef de l’État. Carrément. Au rythme sénatorial de ce qu’on a vu ce mercredi, Emmanuel Macron est tranquille !

Ensuite, que le Sénat a quand même donné une bonne leçon de respect des institutions. Il n’avait pas besoin des leçons pontifiantes de Mme Belloubet sur la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et de l’autorité judiciaire. Ne serait-ce qu’à travers le périmètre de cette commission qui excluait l’affaire de la Contrescarpe, à la grande différence de la "jus-de-boudinée" commission d’enquête de l’Assemblée nationale présidée par une députée macroniste. C’est probablement parce qu’ils ont voulu rester dans les clous que les sénateurs ont évité le bain de sang espéré.

Maintenant, sur le fond, qu’a-t-on appris ? Pas grand-chose. Si, tout de même, sur la place d’Alexandre Benalla dans le dispositif macrono-élyséen. Une place conquise en montant "un étage avec l’ascenseur social". Pour un jeune sportif comme lui, il aurait pu prendre l’escalier ! On sait, désormais, qu’il n’a jamais été le garde du corps d’Emmanuel Macron. Son port d’armes ? C’était pour sa sécurité personnelle car il se sentait exposé. Cette affirmation mériterait d’être creusée. Comme Michel Charasse, le conseiller jadis de Mitterrand, nous dit-il. Benalla sait trouver les bonnes comparaisons qui lui permettent de se donner une certaine importance. Et si les attendus de l’arrêté de la préfecture de police qui lui a octroyé cette autorisation de port d’armes évoquent ses fonctions de sécurité à l’Élysée, ce n’est pas de sa faute, Monsieur.

S’il s’agissait de démontrer qu’Emmanuel Macron n’avait pas admis dans son premier cercle une petite frappe, l’exercice est réussi. Le gendre idéal, cet Alexandre Benalla ! Un grand merci au coach.

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19 septembre 2018 à 15:12

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