Alerte « Précieuse ridicule » au Sénat

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Si on veut avoir une idée du niveau de déconnexion de ce gouvernement avec la réalité, il suffit d’écouter Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire, répliquant au sénateur Gérard Longuet, ancien ministre de la Défense de Nicolas Sarkozy.

La scène s’est déroulée mardi dernier, au palais du Luxembourg. Lors d’un échange avec Mme Poirson, le sénateur de la Meuse a eu l’outrecuidance de l'appeler « Madame le ministre » et non « Madame la ministre ». Le crime absolu. "Monsieur le sénateur, je veux bien croire que votre langue a fourché : on dit “Madame la ministre”", fait remarquer l’excellence, sur le ton de dame patronnesse ou de donneuse de leçons de morale qui sied si bien à la Macronie.

Gérard Longuet, qui en a vu d’autres et sait parler français, maintient son « Madame le ministre ». Là, du coup, ça monte d’un cran et sur les talons, un peu comme Édouard Balladur – en moins bien élevé, quand même – enjoignant ses troupes de se taire : "Vous voulez qu’on entre dans ce débat-là, je suis désolée mais je vous demande de m’appeler Madame la ministre, c’est comme ça." J’allais ajouter « Nah ! » Le Gérard, qui est un peu vieille France, remet cent balles dans le nourrain en répondant "Chère amie." Et là, d’un coup, Olympe de Gouges, Louise Michel, Simone de Beauvoir et bien d’autres sortent de ce corps : "Non ! Je ne veux pas que vous m’appeliez “chère amie”, je veux que vous m’appeliez Madame LA ministre." Elle aurait dit « Vous devez m’appeler Madame La ministre », pourquoi pas. Mais non, c’est "Je veux". Je le veux, je l'exige, je l'ordonne...

Un "Je veux" qui n’est pas sans rappeler les propos de Macron aux armées, le 13 juillet 2017 : "Je suis votre chef." Quand on est obligé de rappeler qu’on est le chef, c’est qu’il y a un « léger petit » problème d’autorité... Et ce "Je veux" de Mme Poirson est du même tonneau. Mais ce n’est pas tout. Mme Poirson poursuit : "Vous parlez d’une aspiration des Français, c’est l’égalité femmes-hommes, Monsieur le sénateur […] Je fais comme vous, parfois, je profite d’une tribune pour parler d’un tout autre sujet et, en l’occurrence, là, il est ancré dans la réalité : je vous demande de m’appeler Madame la ministre, le débat est clos, c’est comme ça et pas autrement." Pour le coup : « Nah ! »

Gérard Longuet aurait pu faire la réponse que fit Nicolas Dhuicq en 2014, alors député UMP, à une Torquemada de la parité : "À l’Assemblée, nous sommes des hommes et des femmes libres. Personne ne peut imposer à l’autre un vocabulaire qu’il ne souhaite pas employer, d’autant qu’en français, la fonction prime le genre." Ou bien la réponse, toujours à la même époque, d’un jeune député UMP, répondant au nom de Gérald Darmanin (un homonyme, sans doute…), à un député socialiste qui lui reprochait d’avoir appelé Mme Fioraso « Madame le ministre » : "Je dirai à M. Denaja qu’il aille voir le dictionnaire de l’Académie française et il verra que, dans ce cas, elle est sexiste."

En tout cas, la réponse de Mme Poirson à M. Longuet révèle, ou plutôt confirme, par le petit bout de la lorgnette deux choses. D’abord, la morgue qui habite la camarilla de petits marquis et petites marquises macronistes : "C’est comme ça, pas autrement." Nous sommes dans la vérité. Pardon : nous sommes la vérité. Point barre. Ensuite, la décalage par rapport aux réalités de ce pays. Mme Poirson ira interroger les femmes qui sont sur les ronds-points, revêtues de leur gilet jaune, certes moins élégantes que Son Excellence. Elle leur demandera si leur combat du moment est de savoir si un secrétaire d’État doit être appelé « Madame LE » ou « Madame LA »… Il est vrai qu’à Constantinople, on discutait du sexe des anges pendant que…

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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