La démission de Jean-Marc Janaillac, PDG d’Air France-KLM a fait chuter l’action du groupe en Bourse.

On pourrait, comme Bruno Le Maire sur BFM TV, dénoncer les exigences des pilotes : « Quand on a le niveau de rémunération actuel […], que l’on sait que l’entreprise est en danger, on ne demande pas des revendications salariales aussi élevées. » C’est un peu facile. Comme mettre le déficit de la SNCF sur le dos des cheminots.

Les pilotes de ligne gagnent plus que la moyenne des Français : c’est une évidence et ce n’est pas nouveau. Mais, d’après les enquêtes effectuées, leurs salaires sont comparables à ceux des autres grandes compagnies européennes. Il y a une certaine indécence à accuser la cupidité d’autrui pour cacher ses propres carences.

Une mauvaise foi certaine, aussi. Car les pilotes ne sont pas les uniques salariés d’Air France : ils sont environ 3.500 sur près de de 47.000, en comptant le personnel navigant commercial et le personnel au sol. Les résultats du référendum, que tout le monde croyait gagné d’avance, sont sans appel : la victoire du « non », avec une participation massive de 80,33 % et une majorité de 55,44 %, montre bien que les pilotes ne sont pas les seuls à refuser les propositions de la direction. Ce vote est la traduction d’un malaise général, d’une perte de confiance.

Laissons aux spécialistes de l’économie le soin d’en analyser les causes et de définir les responsabilités respectives de la direction et des syndicats. Il est évident que les dirigeants d’Air France n’ont pas, depuis des années, proposé un projet qui suscite l’adhésion. Quant aux syndicats, ils ne semblent pas avoir compris que les bénéfices d’Air France, en 2017, sont conjoncturels et proviennent en grande partie de son allié néerlandais KLM. La compagnie française reste beaucoup moins rentable que Lufthansa et British Airways, ses concurrentes européennes.

Mais l’État ne peut se défiler et s’exonérer de toute faute. Certes, avec 14,30 % des actions, il n’est qu’un actionnaire parmi d’autres, mais il n’a jamais su avoir une influence décisive sur l’avenir de la compagnie. Bruno Le Maire se veut alarmiste : « La survie d’Air France est en jeu », menace-t-il, sans paraître s’en émouvoir. Il prévient que « l’État n'est pas là pour éponger les dettes, venir à la rescousse d'entreprises qui ne feraient pas les efforts nécessaires de compétitivité ».+

On comprend que le gouvernement, alors qu’il attend le feu vert de Bruxelles pour annoncer dans quelle proportion il remboursera la dette de la SNCF (dont il est en grande partie responsable), ne veuille pas intervenir financièrement. Peut-être même songe-t-il à se retirer du capital. Après tout, si Air France ne se remet pas de cette crise, d’autres compagnies pourront s’y intéresser. Ce ne serait pas la première fois en Europe. Comme les civilisations, les compagnies aériennes sont mortelles.

L’État français, qui vend déjà ses aéroports, pourrait bien aussi laisser partir la compagnie qu’il a fondée : ça n’empêchera pas les avions de voler ! se dit-il, cynique.

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08 mai 2018 à 14:38

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