Visiblement, en France, on adore l’uniforme. Tout le monde veut le sien. Même le Président. L’été dernier, nous le vîmes revêtu d’un blouson d’aviateur à l’occasion de sa visite à la base d’Istres dans les Bouches-du-Rhône. Blouson, d’ailleurs, qu’il a dû garder, car il fut aperçu avec, lors d’un week-end, non pas à Zuydcoote mais au Touquet, chez Madame…

Lundi matin, invité de Jean-Jacques Bourdin, Éric Morvan, directeur général de la police nationale depuis le 28 août dernier, arborait son uniforme de fonction. Sur ses épaules : cinq étoiles, comme pour les généraux de « l’armée militaire ». Pourquoi pas.

Notons qu’il y a une trentaine d’années, un haut responsable de la police en tenue était chose rarissime. La tenue, c’était pour tenir le carrefour ! Imagine-t-on, du reste, Jules Maigret, commissaire divisionnaire, en uniforme ? Comme quoi Mai 68 a peut-être eu des effets « uniformophiles » sur ces générations, qui portaient culottes courtes au moment des « événements », et aujourd’hui sont au sommet de la carrière.

Et c’est vrai que l’on voit les étoiles, attributs des officiers généraux de nos armées françaises depuis des siècles, se multiplier sur les épaules de hauts fonctionnaires de la police nationale mais aussi des services incendie départementaux, comme je l’ai vu récemment, ou que sais-je encore. Curieux, tout de même, l’apparition de cette nouvelle constellation d’étoiles civiles, en des temps où la constellation militaire s’est considérablement réduite. Mais pourquoi pas. Si ça fait plaisir. Et que cela ne crée pas de confusion...

Tant que les militaires, qui ne sont jamais que d’anciens et de futurs civils, ne se prennent pas pour des civils et que les civils ne se prennent pas pour des militaires. Les militaires, c’est fait pour préparer la guerre, aller à la guerre, faire la guerre et… défiler après la guerre. Les civils, c’est fait pour regarder le défilé. C’est comme ça depuis toujours. Au ministère de la Défense, où servent, avec un grand dévouement, de nombreux civils et ce, à tous les niveaux de responsabilité, on commande les militaires et on dirige les civils. Nuance qui est de taille. Le militaire, de par la loi, se voit commander de servir "en tout temps et en tout lieu" avec "esprit de sacrifice pouvant aller jusqu’au sacrifice suprême". Aucun autre corps de l’État ne se voit exiger cela.

Tant que les civils ne se voient pas confier de hautes fonctions, pour la seule raison qu’ils ont fait l’ENA, des fonctions qui exigent pourtant d’avoir une solide et vaste expérience militaire… Phénomène, malheureusement, qui se développe depuis une dizaine d’années au ministère de la Défense.

Tant que les préfets, ces grands serviteurs de l’État, ne prétendent pas jouer aux petits soldats comme cela m’a été rapporté lors des cérémonies du 11 novembre dans une ville-préfecture. Un préfet aurait, en effet, prétendu vouloir passer les troupes en revue, en violation totale des règlements, des usages et de la tradition. Alors que cette prérogative appartient aux seuls chefs militaires et, évidemment, au président de la République, chef des armées, ainsi qu’au ministre en charge des armées. Car passer les troupes en revue est un acte de commandement, un acte grave, solennel, qui précède symboliquement l’action guerrière. L’autorité regarde dans les yeux chaque homme et femme. Dans cet échange s’établit la relation de confiance entre celui qui devra peut-être exiger le sacrifice suprême et celui qui devra l’accepter. La revue des troupes militaires n’est pas une revue de music-hall. Ne faisons pas de confusion des genres.

La Grande-duchesse de Gérolstein, d’Offenbach, aimait "les militaires, leur uniforme coquet, leur moustache et leur plumet". Elle aurait aimé être cantinière, elle, au moins…

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14 novembre 2017 à 16:43

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