« L’affaire Médine » n’en finit pas d’alimenter la polémique. Une affaire, si l’on en croit Le Huffpost, "venue de la droite et de l’extrême droite". Effectivement, si la « droite et l’extrême droite » n’avaient pas réagi, il n’y aurait pas eu d’affaire. Vu comme ça… Et sur cette affaire, on sent comme une certaine gêne parmi les membres du gouvernement et de la majorité. Le fameux « en même temps » d’Emmanuel Macron atteint, dans cette polémique, des sommets. Ou plutôt les sommets de l’État.

À ma droite ou à ma gauche – je ne sais plus, je suis perdu, chantait Michel Fugain -, le Premier ministre Édouard Philippe. À ma gauche – ou à ma droite, donc -, Gérard Collomb, ministre dans tous ses états, ministre de l’Intérieur. Au milieu, les Français qui assistent à la pantomime. Et, au-dessus, vous l’avez compris, Emmanuel Macron, qui ne s’est pas exprimé sur le sujet, préférant disserter sur le « pognon de dingue ».

D’un côté, donc, Édouard Philippe, issu de l’aile gauche du centre droit et parfait émule d’Alain Juppé, évoquait, lundi au Sénat, le principe de la liberté d’expression. Respect "scrupuleux" de la liberté d’expression, affirmait-il en réponse à la question d’un sénateur LR. Pour être honnête, le Premier ministre a tout de même évoqué le trouble à l’ordre public et l’incitation à la haine raciale qui permettrait d’interdire la programmation. Mais, idée maîtresse des propos d’Édouard Philippe : liberté d’expression. Ce qui ne manque pas de saveur quand on sait que le préfet Potier, délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH), il y a à peine un mois, se réjouissait, sur Twitter, que le compte Facebook de Génération identitaire ait été fermé. Édouard Philippe est donc un défenseur de la liberté d’expression. Il est aussi un amoureux de la boxe, qu’il pratique lui-même. En 2016, la municipalité du Havre, qu’il dirigeait alors, avait accordé à l’académie de boxe Don’t Panik Team, fondée par Médine en 2011, une subvention de 14.290 euros, selon les informations révélées par un tweet de Damien Rieu. Mais cela n’a rien à voir, évidemment.

D’un autre côté, Gérard Collomb, issu de l'aile droite du centre gauche, qui, à ma connaissance, n’a jamais pratiqué la boxe. Mercredi après-midi, c’était à son tour de monter sur le ring. Cette fois-ci sur celui de l’Assemblée nationale, où il était interpellé sur cette affaire. Et là, légère évolution du discours. Qui n’entend qu’une cloche n’entend qu’un son, dit-on. "Il y a la liberté de création, mais il ne faut pas sous-estimer ce que peuvent avoir de tels propos sur des esprits fragiles, sur un certain nombre de nos jeunes." C’est déjà reconnaître qu’il y a, comme qui dirait, un léger problème… Des propos auxquels le rappeur lui-même devrait être sensible, lui qui avait pour ambition, lorsqu’il fonda son académie de boxe, que l’éducation prime sur la violence ! Et le ministre de l’Intérieur d’ajouter : "Nous ne sommes pas maîtres de la programmation du Bataclan. Mais vous le savez, tout ce qui peut amener un trouble à l’ordre public peut, dans les limites de la loi, pouvoir trouver une interdiction. Nous verrons d’ici le mois d’octobre." Une main de velours dans un gant de boxe de fer, en somme.

La question que devraient se poser tant le Premier ministre que le ministre de l’Intérieur est de savoir si le trouble à l’ordre public n’est déjà pas avéré par l’annonce de la programmation du spectacle de Médine au Bataclan. L’esprit du public est, en tout cas, troublé. Et pas qu’à droite ou à l’extrême droite.

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14 juin 2018 à 18:40

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