À Rouen, disparition tragique du père Jean-Baptiste Sèbe

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Deux ans après l’épouvantable assassinat du père Hamel, le diocèse de Rouen est de nouveau frappé de stupeur. Mardi 18 septembre 2018, un jeune prêtre de Rouen a mis fin à ses jours. Un événement rarissime qui suscite une profonde incompréhension.

Aîné d’une famille nombreuse, Jean Baptiste Sèbe avait 38 ans. Prêtre depuis 2005, il incarnait cette nouvelle génération de clercs débarrassés des vieilles lubies de leurs aînés. Bien formé, enseignant la théologie à l’Institut catholique de Paris, il avait été chargé d’une paroisse du centre-ville longtemps marquée par ce que l’esprit démocrate-chrétien avait de pire. Et, non sans difficultés, critiques, retours en arrière parfois, mais avec persévérance, il reconstruisait une communauté centrée non sur elle-même mais sur le Christ. Apprécié par tous, il faisait preuve d’une ouverture d’esprit sans exclusive.

L’ancien scout de France était devenu le conseiller religieux des Scouts d’Europe. Samedi dernier, devant plusieurs centaines de jeunes réunis pour la rentrée du district, il délivrait une belle homélie sur le thème « Prends ta croix et suis-moi ». Une croix qu’il portait sans doute sans que personne ne s’en rende compte.

Le suicide est un drame. Celui d’un prêtre l’est plus encore. Sa vocation librement choisie le dispose naturellement à prêcher la vie, l’amour, l’espérance et la miséricorde. À l’image du Christ auquel il est conformé, il console les affligés, visite les malades, pardonne les péchés, célèbre enfin chaque jour le sacrement de l’Eucharistie, c’est-à-dire celui de la mort et de la résurrection du Christ. Qu’un prêtre mette fin à ses jours est un mystère.

Le prêtre n’en reste pas moins un homme, sujet à l’angoisse, la dépression, la maladie, les soucis quotidiens. Il n’y échappe pas. Sa tâche est littéralement écrasante. Même en ville, où il n’a pas à effectuer des déplacements incessants, la charge d’une paroisse est un labeur harassant. Nombreux sont ceux qui, à force de travailler 70 heures par semaine, sans prendre le temps de la respiration physique et spirituelle, s’épuisent et craquent. Et même si les familles l’invitent souvent - et le père Sèbe était fréquemment chez les uns ou les autres -, nul n’imagine la fatigue qu’il éprouve, sans aucune reconnaissance sociale, et dans une simplicité de vie que lui impose un revenu de 800 euros par mois.

Par bonheur, l’Église ne refuse plus les obsèques religieuses aux personnes qui ont attenté à leur vie. Les progrès de la psychologie et de la psychiatrie ont mis en évidence que le suicide ne procédait pas toujours d’une volonté délibérée et affirmée, mais pouvait aussi s’expliquer par une pulsion subite dans un contexte particulier. Jean-Baptiste Sèbe sera entouré, pour ses funérailles, de l’archevêque et de ses confrères du diocèse. Et, sans aucun doute, de centaines de chrétiens qui prieront pour cet homme dont certains, non sans légèreté mondaine, disaient qu’il était de la graine d’évêque…

Croyants ou non, arrêtons-nous un instant sur le comportement que nous avons envers ces hommes qui consacrent leur vie à Dieu et à leurs frères. Quels que soient les scandales ignobles qui éclaboussent une minorité d’entre eux, souvenons-nous simplement que ces hommes se donnent entièrement et pour la vie. Que nos incessantes critiques pour les uns, agressions pour les autres, leur sont insupportables. Dieu seul sait pourquoi Jean-Baptiste Sèbe a mis fin ses jours. Mais notre regard sur ces prêtres - si vite dénigrés sans autre raison qu’un vieux ressentiment - n’est jamais étranger à un tel drame.

Qu’il repose en paix.

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