Il y a peu, un ami musulman confiait à l’auteur de ces lignes : « Diam’s qui se convertit à l’islam et maintenant Sinéad O’Connor ! Mais qu’est-ce qu’on vous a fait, à vous, les chrétiens, pour que vous nous refiliez toutes vos têtes vides et vos bras cassés ? Vous croyez que les musulmans n’ont pas assez de problèmes, en ce moment ? » Au-delà du trait d’esprit, il me semble avoir répondu un truc du genre : « À chacun ses boulets. Hier, ces deux nénettes, c’était notre problème. Aujourd’hui, c’est le vôtre. Bonne chance, mon frère ! »

Fortuitement, cela redevient un peu le nôtre, sachant que la Sinéad O’Connor en question, répondant désormais au doux nom de « Shuhada’ Davitt », vient de bousculer les réseaux sociaux, affirmant, le 6 novembre dernier : « Je suis terriblement désolée. Ce que je m’apprête à dire est si raciste que j’ignorais que mon âme pourrait un jour penser quelque chose de pareil. Mais je ne veux plus jamais passer du temps avec les Blancs (si c’est ainsi que l’on appelle les non-musulmans). Plus jamais, pour n’importe quelle raison que ce soit. Ils sont dégoûtants. »

Une telle sortie amène une première remarque. L’islam, à l’instar du christianisme, est une religion universelle. Ce qui signifie donc qu’on puisse être irlandaise – elle, par exemple – et professer, au passage, la foi musulmane. Tout comme il est licite d’être arabe et chrétien ; même si les Arabes, ici plus ou moins désignés, sont aussi de longue date inclus dans ce vaste ensemble ethnique plus connu sous le nom de « race blanche ».

Après, s’humecter oreilles, orteils et autres parties à peine plus nobles avant de se recueillir, tels les musulmans, ne signifie pas que l’on puisse être, par ailleurs, moins crasseux, que ce soit du corps ou de l’âme. Il est à craindre que ce distinguo soit hors de portée d’une Sinéad Davitt. Surtout lorsque, dans son envolée mystique, Shuhada’ O’Connor stigmatise un Donald Trump répandant la « saleté satanique ». Ce tropisme hygiéniste devient manifestement obsessionnel. Elle devrait consulter.

Au fait, qui est cette dame, souvent inconnue, sauf pour les shobizologues éclairés ? Une Irlandaise déboussolée, fille de famille dévastée, un peu violée par sa mère, ensuite bousculée de mariage en mariage, dépressive revendiquée et bipolaire de longue date pronostiquée, suicidaire à répétition avant de se trouver privée de la garde d’enfants issus de multiples lits. Une sorte de concentré de notre époque, en quelque sorte. Une pauvre fille, plus à plaindre qu’à blâmer et à ne pas juger trop hâtivement, sachant que Dieu seul juge, quel qu’il soit et où qu’il soit.

En la matière, son titre de gloire ? Nothing Compares to U, signé d’un autre grand malade, Prince himself. Ensuite, des prestations de plus en plus erratiques, durant lesquelles on la voit déchirer une photo du pape Jean-Paul II ; ce qui lui vaut d’être tricarde lors du concert célébrant les trente ans de carrière de Bob Dylan, en 1992. George Harrison, ancien Beatles, et le duc Eric de Clapton refusent de partager la scène avec elle. Le premier, hindouiste, chante la concorde, mais jusqu’à un certain point. Le second, avec "Holy Mother", bouleversante chanson dédiée à la Vierge Marie, plaisante encore moins avec le sujet. Bob Dylan, qui a donné un concert en audience privée, au Vatican, devant le même Jean-Paul II, ne bondit pas non plus de joie.

Par l’intermédiaire de Kris Kristofferson, vieux gauchiste de droite, Sinéad O’Connor sera donc présente, mais reléguée aux chœurs, lors d’un "Knockin on Heaven's Door" des plus célestes. On y voit donc Shuhada’ Davitt bouder en tirant sur son clope, oubliant sûrement le temps où, fâchée avec le catholicisme de son enfance irlandaise, elle se fit ordonner prêtre en soutane, par on ne sait trop quelle fraternité catholique des environs, alors donnée pour « traditionaliste » - comme quoi tout arrive.

À l’ami musulman évoqué au début de ces lignes, on ne souhaitera donc que ces quelques mots : bon courage et hardi les gars, et à chacun sa croix !

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09 novembre 2018 à 18:06

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