À trop jouer au « capbourrut », François Bayrou risque d’y laisser des plumes

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Les Bretons sont, paraît-il, têtus. Les Béarnais le sont encore plus. Dans leur région, on parle de « capbourrut », mot forgé sur « cap » (la tête) et « bourrut » (comme bourricot). Plus couramment, c’est une « tête de cochon » ou une « tête de lard ». François Bayrou en est le parfait modèle.

L’homme qui rêvait d’être roi – il a d’ailleurs publié, en 1993, une biographie d’Henri IV – s’est entêté à devenir président de la République. Il en a gardé quelque arrogance et un sentiment de supériorité. L’Express rapporte que, sollicité pour un problème de voirie d’une petite commune voisine, le maire de Pau s’est adressé à son homologue sur un ton féodal, comme s’il s’agissait de son vassal.

À défaut d’être roi, il s’est voulu faiseur de roi. Il a fait un essai avec François Hollande, mais ne s’en vante guère. En revanche, son alliance avec Emmanuel Macron a permis au candidat d’En Marche ! de relancer sa campagne, après l’épisode peu glorieux du "crime contre l’humanité", et de gagner les quelques points qui lui manquaient pour l’emporter au premier tour.

On comprend, dans ces conditions, que François Bayrou considère comme un crime de lèse-majesté le rappel à l’ordre effectué par Édouard Philippe, ce jeune prétentieux qui se frotte à un vétéran, suite à son appel à France Inter pour se plaindre de l’acharnement des journalistes. Il a déclaré dans une interview accordée au Monde : « Je n’ai pas l’intention de me mettre un bâillon ». Et d’ajouter sur RTL : "Je suis un citoyen, je suis un ministre, je suis même un homme privé."

Sans doute entend-il marquer la séparation entre sa vie privée et sa vie publique, à l’instar de Montaigne, son voisin de Bordeaux, qui écrivit : "Le maire et Montaigne ont toujours esté deux, d’une separation bien claire." Rappelons-lui, cependant, que l’auteur des Essais voulait ainsi préciser qu’"un honneste homme n’est pas comtable du vice ou sottise de son mestier ; et ne doit pourtant en refuser l’exercice".

La question est moins de savoir s’il a ou non trempé dans des montages habiles pour faire rémunérer des personnels du MoDem par l’Europe – c’est à la justice de le prouver ou de l’infirmer – que de mesurer si sa fonction même de garde des Sceaux est compatible avec des remontrances à la presse dans une affaire où il est concerné. On a beau se contorsionner pour se dédoubler, il est difficile de distinguer le ministre du citoyen.

Certes, sur le fond, il n’a pas tort : dans cette campagne électorale, les dénonciations se sont multipliées, amplifiées par les médias, avec les conséquences que chacun connaît – même si l’on peut se demander pourquoi les accusations contre François Fillon ont été à ce point relayées, alors que le faible niveau des revenus déclarés par Emmanuel Macron n’a guère suscité d’interrogations.

Mais les supposés emplois fictifs du MoDem, voilà qui ressemble beaucoup aux accusations qui sont venues perturber la campagne de Marine Le Pen. Je ne sache pas que François Bayrou s’en soit particulièrement offusqué.

Le problème, pour notre « capbourrut », c’est qu’il a présenté, au Conseil des ministres du 14 juin, un projet de loi portant sur "la confiance dans la vie démocratique". Que les allégations du Canard enchaîné soient ou non avérées, il est délicat, pour le président du MoDem, de défendre des mesures qui prônent l’exemplarité.

François Bayrou devrait se montrer moins arrogant. Il n’a pas que des amis au sein de La République en marche. S’il devenait trop encombrant, Emmanuel Macron n’hésiterait pas à reconsidérer sa présence au sein du gouvernement.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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