Le 7 mai, au Louvre, l’esthétique était parfaite

Capture RTBF
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Je voudrais évoquer la poésie de la soirée du 7 mai, l'esthétique quasiment parfaite de cette séquence si souvent décevante.

Ce qui m'a frappé tient à cette évidence qu'Emmanuel Macron président de la République a tiré toutes les leçons et rien oublié des péripéties concernant ses prédécesseurs. Il a même intégré tout ce qui lui avait été reproché au soir du premier tour.

Qu'on ait voté pour Emmanuel Macron ou non, on ne peut que constater l'absence de toute faute de goût, la constance d'une élégance dans le fond et la forme, en particulier avec son remarquable et exemplaire premier discours tout imprégné d'esprit républicain et de la volonté de ne laisser aucune fraction ou faction de la communauté nationale sur le bord du chemin. Je sais bien que chaque Président élu exprime qu'il est le Président de tous, mais avec Emmanuel Macron, ce n'était plus une banalité qui était proférée mais une authenticité parce qu'elle correspondait à sa vision politique et sociale, à son exigence sincère de rassemblement.

Cette soirée du 7 mai, en ce sens, n'a ressemblé à aucune autre et, par exemple, comparer la marche d'Emmanuel Macron seul avec celle de François Mitterrand au Panthéon avec sa rose est absurde, sauf à considérer que la componction, l'absence de naturel, le pompeux enflé et le narcissisme avaient quoi que ce soit à voir avec la démarche de classe sobre et sans affectation du 7 mai.

Son second discours destiné à ses partisans, à visée moins universelle, a montré les forces et les faiblesses du nouveau Président quand il s'abandonne à un propos à la fois préparé et spontané et que l'émotion domine. Il nous a répété cinq à six fois que la tâche allait être "immense". Rien de plus exact, mais comme ce n'était pas un effet de style, c'était trop !

Quand il a rassemblé autour de lui son épouse belle et émue, leur famille et leurs proches - avec une casquette incongrue ! - et que tous ont chanté notre hymne national, pas l'ombre d'une indécence ni d'une appropriation choquante. On éprouvait presque une tendresse civique, en lui recommandant toutefois d'arrêter ces clins d''œil qu'il affectionne !

La cérémonie du 8 mai, grâce au Président Hollande, a été une superbe illustration de ce que la France sait faire de mieux quand le rituel démocratique la gouverne et qu'en plus une forme d'affection le régit (France 2)

Le 11 et le 18 juin, les élections législatives se dérouleront et j'espère que le pays ne sera pas accablé par une saturation politique mais qu'il votera en masse alors que l'élection présidentielle, avec l'abstention, les votes blancs et nuls, a permis à quelque 16 millions d'électeurs de demeurer sur la touche ou de contester le jeu.

Confirmeront-elles la victoire du 7 mai si on a raison de prêter de la cohérence au peuple français, qui a démontré pourtant qu'il raffolait de la cohabitation et qu'un sondage montre une très forte opposition à ce que le parti présidentiel ait une majorité absolue ? Les Français ne détestent pas brûler ce qu'ils ont adoré. Seront-ils tentés de se contredire face à l'effarement d'avoir donné jour à un Président aussi jeune et d'avoir procédé à une telle rupture par rapport à l'ordre traditionnel ?

Pour LR, sera-t-il facile, après avoir voté pour Emmanuel Macron pour faire battre Marine Le Pen, d'endosser avec détermination et d'assumer sans état d'âme l'alternative d'une opposition modérée au projet présidentiel par rapport à celle, extrémiste, du FN ?

Pour les socialistes, choisiront-ils de demeurer dans leur pré carré réduit ou accepteront-ils de faire partie de la majorité présidentielle pour sauver ce à quoi ils croient, avec la part de gauche irriguant son programme ? En tout cas, on n'a pas été déçu d'apprendre que Najat Vallaud-Belkacem s'en tiendrait exclusivement au PS !

Le FN, paraît-il, changera profondément, pas seulement de nom. L'alliance avec Nicolas Dupont-Aignan va-t-elle ouvrir la voie - il aurait été, alors, une sorte d'éclaireur à l'union des droites - ou ne sera-t-elle qu'un feu de paille laissant l'extrémisme dans sa solitude et son opposition jusqu'au-boutistes ?

Encore six semaines et on saura si ce Président brillant, si intelligent et volontaire, disposera pour son action d'une majorité cohérente et structurée ou s'il devra composer.

Mais pour la politique, aussi, je suis persuadé qu'il a tout appris et rien oublié.

Philippe Bilger
Philippe Bilger
Magistrat honoraire - Magistrat honoraire et président de l'Institut de la parole

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