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J’ai rencontré hier une femme qui exerce le beau métier de nègre. (Désolée pour M. Sopo, je ne connais pas d’autre mot pour cette activité à laquelle je me suis moi-même adonnée durant de nombreuses années.)

Auteur de l’ombre est une activité fascinante qui vous fait entrer par la petite porte dans la vie des autres. Des rencontres souvent passionnantes, parfois moins. Parfois, aussi, ça tourne court : beaucoup de gueule mais pas grand-chose à raconter…

Dans les rencontres qui m’ont le plus marquée se trouve un Iranien, aujourd’hui français, que j’ai assisté dans la rédaction d’un ouvrage sur le soufisme. Un très fin lettré, réfugié en France après la chute du chah, qui enseignait la littérature persane à la Sorbonne. C’était au moment de la guerre en Tchétchénie. On ne parlait, ici, que du martyre des Tchétchènes. Mon Iranien, lui, dont la famille avait dû fuir devant les mollahs, essayait tant qu’il le pouvait de nous alerter : « Vous êtes fous, me disait-il en parlant des médias français. Vous ne vous rendez pas compte : le pire des dangers, c’est l’islam ! » Que doit-il dire aujourd’hui ?

J’ai fait le nègre pour des politiques, pour des "pipole" aussi. Le plus drôle était un "mage" (c’est ainsi qu’il se définissait) qui avait eu son heure de grande gloire dans les années 70. Gamin des rues – sans doute moins qu’il ne le disait, mais il faut toujours un peu de merveilleux pour lier la sauce –, il avait, quand je l’ai connu, toute la planète politique dans sa clientèle. On l’envoyait chercher en limousine depuis l’Élysée ou en avion depuis l’Afrique. Auquel cas, il repassait par la Suisse pour y déposer le montant de la consultation… Il roulait en Rolls, possédait plus de villas avec piscine qu’on ne peut en fréquenter. Goguenard, sans aucune illusion sur le monde, il avait des tas d’anecdotes à raconter et ses livres se vendaient comme des petits pains.

Mais ça, c’était hier… Aujourd’hui, la dame dont je vous parle a été engagée par une grande maison d’édition pour rédiger… les mémoires de Loana.

Loana Petrucciani. Connue pour avoir été la première jeune femme à vivre une relation sexuelle en direct, sur une chaîne et à une heure de grande écoute, cela dans une piscine et devant la France entière. Venue de rien et arrivée nulle part, elle fut donc l’héroïne, en 2001, de la première émission de télé-réalité française : "Loft Story".

Je vous l’avoue, je me fous bien de Loana Petrucciani comme je me fous de la famille Kardashian ou de leurs épigones. Ce qui m’intéresse, c’est le fait sociétal, comme on dit aujourd’hui : pourquoi une maison d’édition renommée s’intéresse-t-elle à une femme qui n’a rien à raconter sinon – je me fonde sur la voix d’Internet – ses problèmes de poids ?
Voilà, en effet, son actualité récente :

"Loana nous dit tout sur sa perte de poids spectaculaire et sa rupture avec Phil Storm" (Voici) ;
"Loana métamorphosée après son opération : “J’ai de quoi être fière de moi”" (Purepeople.com) ;
"Loana : comment sa relation amoureuse mais platonique avec Phil Storm lui a “redonné confiance en la gent masculine”" (Gala) ;
"Loana très amincie a enfin retrouvé sa silhouette de rêve…"
etc.

Elle s’est fait enlever la moitié de l’estomac : "Après avoir pesé près de 120 kilos, elle s’avouait “contente” et “fière du chemin parcouru”, car ce n'était pas gagné", écrit Voici. De là à en faire un livre…

Mais il me faut être honnête : en poursuivant ma balade autour de l’estomac de Loana, je découvre une pensée d’une profondeur insoupçonnable. Ainsi ces confidences au quotidien suisse Le Matin : "Je souffre du manque de câlins. Il va vraiment falloir que je trouve quelqu’un.[…] Parfois je blague avec ma maman et lui dis que je devrais me payer quelqu’un. Au moins je sais ce qu’il va me faire et le lendemain il n’y aura pas de répercussions."

Voilà, voilà.

Bonne année quand même !

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01 janvier 2018 à 12:37

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