Seize heures d’attente auprès d’un corps pour un certificat de décès : quand cela va-t-il cesser ?

Il y a trois ans presque jour pour, un sénateur-maire de l'Oise s'indignait qu'il ait fallu cinq heures pour qu’un certificat de décès soit délivré à une de ses administrées, dont le père venait de décéder dans sa commune. "Cette dame a dû attendre tout ce temps auprès du corps de son père ! Vous imaginez, avec cette chaleur ? C’est intolérable !" On imagine très bien, et ça ne s'est pas arrangé : aujourd'hui, seize heures d'attente en Charente-Maritime ont failli battre le record de janvier 2015 dans la Vienne (dix-sept heures).

Parce qu'avant de déplacer la dépouille d'un de cujus, il faut obligatoirement qu'un médecin constate le décès et, au passage, vérifie si possible qu'il n'y pas trop de signes de strangulation ou autres manœuvres accélératrices de successions, auquel cas il y aurait un "obstacle médico-légal à l'inhumation" qui déclencherait l'action de la police judiciaire.

En attendant un homme de l'art, un officier d'état civil ou, plus généralement, les forces de l'ordre doivent rester sur place. Or, ces derniers se déplacent généralement en équipage, lequel serait évidemment mieux occupé à courir sus aux délinquants. L'usage s'est donc répandu d'envoyer chez les médecins libéraux deux gendarmes, munis d'une réquisition en bonne et due forme, sommant ceux-ci d'interrompre sur-le-champ toute activité pour les suivre. Et une réquisition, sous peine de lourde amende, ça ne se refuse pas. Et depuis quelques années, ça s'indemnise. Du moins officiellement, parce qu'en réalité, c'est le parcours du combattant doublé d'une longue patience, parce que les frais de justice ne se payent pas vraiment "au cul du camion" !

Inutile de dire que la profession des médecins libéraux renâcle, d'autant plus qu'il n'y a qu'eux à être réquisitionnés, surtout s'ils se sont déclarés (auprès de l'Ordre) volontaires pour la permanence de soins (PDS), que le commun des mortels appelle médecin de garde. C'est la double peine : non seulement vous acceptez de sacrifier des week-ends et des jours fériés au service de la population mais, en plus, vous êtes en tête de liste préfectorale des réquisitionnables sommés de laisser leurs salles d'attente en plan à tous moments !

Or, à côté des 1.800 médecins militaires, il y a, en France, par exemple, plus de 5.000 médecins du travail, presque autant de médecins conseils de l'assurance maladie, plus un bon nombre de confrères dans les ministères, les préfectures et les agences régionales de santé, aux 35 heures d'activités certes hautement estimables, mais généralement moins pressantes que celles des généralistes de ville, et qui ne sont, eux, jamais réquisitionnés… C'est étrange, non ?

Mais pas moins que la suggestion miracle de certains parlementaires "d'accorder le droit aux infirmières et infirmiers d'établir un certificat de décès". Parce que si cette profession procède – sur prescription médicale - à certains soins et petits gestes techniques spécifiques, elle n'est nullement formée aux arcanes de l'examen clinique (avec inspection, palpation, etc.), et moins encore aux rudiments de la médecine légale.

Richard Hanlet
Richard Hanlet
Médecin en retraite, expert honoraire près la Cour d'appel de Versailles

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