Le 14 juillet 2012, au bas des Champs-Élysées, douze cavaliers de la Garde, en grand uniforme à boutons et aiguillettes dorés, retroussis rouges, culotte blanche - présence du chef de l’État oblige -, montés sur des chevaux alezans, paradaient aux trois allures dans une liturgie parfaite, héritée de la haute tradition équestre française nous venant de Pluvinel et de ses dignes successeurs. Ce carrousel, la « reprise des douze », qu’accompagnait la musique de Lully, donnait, d’une certaine façon, raison au pape saint Pie X : "L’âme d’une civilisation se révèle tout naturellement dans sa culture équestre." Un ballet quasi royal clôturait le défilé militaire qui rappelait que Louis XIV, non loin de là, entre Louvre et Tuileries, aimait lui-même caracoler sur son cheval blanc pour impressionner son monde et surtout les dames. En 2012, le monarque socialiste, enfoncé dans son fauteuil, boudiné dans son costume étriqué, se contentait d’admirer le spectacle derrière ses lunettes de chef de service du contentieux, entouré de ses ministres. Peut-être songeait-il déjà, en voyant ces figures de manège, à celle de la rue du cirque…

Mais la province peut aussi s’offrir des moments royaux à l’occasion de la très républicaine fête nationale. En 1994, Bernard Debré, fils de Michel, petit-fils de Robert et frère de Jean-Louis (une dynastie républicaine !) était ministre d’Édouard Balladur et maire d’Amboise en Touraine. Bien que n’étant pas ville préfecture, le ministre-maire avait obtenu un défilé militaire pour sa belle cité. Et donc, en ce 14 juillet, peu de sans-culottes dans les rues mais des dames en crinoline, des messieurs habillés comme au temps de François Ier ! Cela sentait la barbe à papa, guère la merguez et un peu la sueur des touristes en débardeur et des militaires en grande tenue. Il est vrai que les étés au bord de la Loire peuvent être accablants. L’auteur de ces lignes était présent, non pas en claquettes mais en bottines, képi et sabre au clair. En « guest stars » improbables, sur la tribune d’honneur, aux côtés du préfet et du ministre de la République, une altesse impériale et royale et une altesse royale : Otto de Habsbourg-Lorraine et Henri d’Orléans, comte de Paris, propriétaire du château d’Amboise. La totale, quoi ! Le fils du dernier empereur et roi d’Autriche et de Hongrie, souverain d'un empire dont la destruction doit beaucoup au très républicain Clemenceau, et le descendant direct de Philippe-Égalité qui vota la mort de Louis XVI…

Retour à Paris. Pour le 14 juillet 2000, Jacques Chirac avait décidé d’honorer les maires de France. À l’issue de la revue des troupes, le Président devait donc descendre de son command-car pour adresser un discours aux édiles placés sur une tribune spéciale. Un petit escalier avait été fabriqué par les services de l’armée afin que le Président quitte dignement son véhicule. Bien descendre un escalier, cela ne s’improvise pas, aurait pu conseiller l'amie Line Renaud - à la revue du Casino de Paris comme à la revue militaire. Lors de la répétition nocturne de la cérémonie, Claude Chirac est présente ainsi que le gouverneur militaire de Paris. On joue donc la phase délicate de la descente du véhicule avec un Président postiche – à ne pas confondre avec un Président potiche - et l’escalier amovible est avancé. Et là, la fille du Président fait remarquer au gouverneur : "Il n’est pas un peu trop royal, cet escalier ?" Le général avait la notion des délais et aussi le respect du travail des petites mains qui avaient dû réaliser ce chef-d’œuvre à usage unique en un temps record. Alors, il répondit de sa voix de stentor : "Madame, la République a toujours été royale !"

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 05/08/2018 à 17:53.

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13 juillet 2018 à 11:03

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